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| Iacopo Alpoleio [Conteur du Feu ; l'Histoire suivra] | |
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Iacopo Alpoleio Conteur
Messages : 140 Age : 34 Localisation : Place de Kanbonverkà Détail/fonction : Taquin
| Sujet: Iacopo Alpoleio [Conteur du Feu ; l'Histoire suivra] Dim 30 Aoû 2009 - 14:27 | |
| Indications Personnelles ~ Nom : Alpoleio ~ Prénom : Iacopo ~ Âge : La trentaine, sans doute, mais son caractère bohème nuit à toute certitude. ~ Sexe : Mâle, et fier de l’être. ~ Continent et région de naissance : Un hameau champêtre au cœur de Rhydderch, sur le Continent du Feu. ~ Race : Humaine, du genre nomade sans attaches. ~ Opinion face à la magie élémentaire : À qui lui avait posé la question un jour, le jeune conteur répondit ainsi : « Elle est ma foi bien commode, je l’accorde, quand le héros de jadis se retrouve acculé et que la Mort frappe onze fois à la porte du Monde – que ceux qui m’écoutent espèrent un miracle et que le miracle naît de leurs prières silencieuses. Cependant, je lui préfère cette magie du commun, d’un homme et d’une femme dont les chemins se croisent au détour d’une journée laborieuse. Un regard, juste un regard – juste comme ça… » D’aucuns prétendront qu’il avait là mécompris la question à dessein, confondant magie élémentaire et intervention divine. Pour sa défense, il n’est guère aisé d’écouter le sermon d’une prêtresse quand un visage d’une divine beauté vous fait tourner la tête… Les quelques privilégiés qui ont pu le fréquenter assez longtemps pour réclamer son amitié diront simplement qu’il ne s’intéresse à la religion et à la magie que pour leur portée didactique. ~ Métier/Rang/Fonction : Conteur, et beau parleur en général. Indications Corporelles ~ Description physique : Jusqu’à présent, l’unanimité règne sur ce point parmi les conquêtes, supposées ou avérées, du conteur à la voix d’or : Iacopo a un beau sourire. Selon les sensibilités des unes et des autres, il est tantôt décrit comme « charmant », « ravageur » ou même « trompeur » – ce dernier adjectif trouvant grâce auprès des exclusives qui ne comprennent pas que sa principale qualité réside en sa générosité. Selon lui, tout ce qui porte des jupons– qu’ils soient de satin ou de laine, qu’ils sentent la rose ou la sueur – mérite en effet ce sourire plein de promesse. C’est le minimum syndical du pourvoyeur de romance, du moins ! Celles et ceux qui finissent par s’en détacher ne manquent pas de remarquer la lueur de malice dans ses yeux vert, qui rappelle aux distrait[e]s que rien chez lui n’est sérieux, tandis sa tignasse châtain tirant vers le blond ramène le bonhomme à ce qu’il est : un bellâtre qui cause bien, et c’est bien là son moindre défaut. ~ Caractéristiques particulières : À l’instar de moult orateurs du Feu bénis par leur Muse titulaire, Iacopo peut se vanter de posséder une voix au timbre agréable à l’oreille. Au contraire de ses compatriotes, il a cependant préféré mettre cette texture chaleureuse au service des légendes plutôt qu’à des intérêts mercantiles. Ceux qui ne jurent que par le visible, le palpable pourraient aussi pointer ses oreilles légèrement en pointe, bien que trop courte pour les canons de la gente elfique. Ils n’en seront que d’autant plus surpris d’apprendre que sa famille est, sur au moins cinq générations (la mémoire des Alpoleii ne remonte pas plus loin), exempte de toute hybridation. Dépité par la déception que provoque cette réponse, l’inépuisable conteur songe déjà à greffer à son arbre familial quelque filiation à un amour légendaire. Indications Psychologiques ~ Caractère : Derrière les belles tournures et les caresses flatteuses se cache, à peine voilé, un égocentrisme décomplexé. Non, bien sûr, le beau gosse ne se trouve pas que des qualités – loin de là ! – mais il aime entendre les autres mettre en exergue ses atouts. C’est pourquoi il se donne tant de mal pour caresser son public dans le sens du poil, n’hésitant pas à adapter ses récits pour épouser les courbes des désirs et des sensibilités ambiantes. Ce manque d’engagement et de passion qui lui soit propre aurait pu lui valoir les critiques de ses pairs, qui n’apprécient guère de voir leur bel art détourné à des fins opportunistes, si un détail ne lui avait pas sauvé la face : sa spontanéité. Iacopo ne calcule pas : il vit, sent et se laisse porter par les courants qui l’emportent. « Quand mes lèvres balbutient les premiers mots d’un conte, se justifie-t-il ainsi, elles ignorent encore quels en seront les derniers. Un regard, un frisson ou un murmure peuvent changer du tout au tout une légende pourtant bien connue… » Cet amour inconditionnel de la providence réponde à une philosophie de vie bien particulière qu’il applique avec assez d’ardeur pour ménager les plus acerbes philosophes du Forum. Les méandres du consensus n’a décidemment aucun secret pour lui ! ~ Rêves/ambitions : Depuis tout petit, ce Guerlusien du pure souche n’a jamais vu plus loin que le bout de son nez – non pas par bêtise, langues de vipère, mais parce que sa mère lui a toujours dit qu’essayer de distinguer l’arbre au fond de la vallée par jour de brume était le meilleur moyen pour trébucher sur la racine à ses pieds. L’âge aidant, il a cependant appris à prendre de l’assurance et à oser regarder l’horizon, peu importe s’il doit tomber deux mètres plus loin. Advienne que pourra, somme toute ! Comme nul ne va bien loin sans de grandes ambitions, il n’y a pas été de main morte au moment de choisir ses objectifs : connaître toutes les histoires de tous les vieux du village ; raconter ces mêmes histoires sans que les vieux comprennent qu’il s’agit de la leur ; inventer ses propres histoires et récolter le même succès ; gagner les faveurs nocturnes d’une fille de joie sans débourser le moindre centime ; voler un chaste baiser à une prêtresse ; voler un peu plus qu’un chaste baiser ; voyager à travers tout le Continent du Feu ; présenter sa philosophie de vie au Forum aux travers d’un conte et repartir avec tous les honneurs,… Ayant accompli avec succès (parfois mitigé) tous ces rêves, il songe désormais à marquer durablement l’Histoire des contes et légendes, avec un monument qu’il pourrait signer de sa main tremblante, et que des milliers d’enfants réciteraient pour apprendre la scansion : il veut livrer aux générations futures sa propre épopée ! La route est encore longue et semée d’embûche, mais il estime avoir bien assez de toute une vie pour l’accomplir. ~ Intérêts/goûts et dégoûts: C’est un secret de polichinelle que plus personne ne se fatigue à protéger : Iacopo aime les femmes – toutes les femmes… et il n’a vraiment pas l’intention de n’en choisir qu’une ! Car pourquoi se contenter d’une rose sous verre quand des centaines de concurrentes se languissent en l’attente d’un nez pour flatter leur beauté ? Si le ridicule ne tue pas, la routine consume à petit pas… « Très peu pour moi ! » s’indigna-t-il à sa première (hélas non dernière) proposition de mariage. Il aime aussi les choses simples de la vie, telle l’odeur de la rosée de grand matin ou les couchers de soleil sur les chemins, ou encore les visages extatiques des veillées au coin du feu, tandis qu’il échange des histoires avec ses compagnons. À défaut d’un repas ou d’une conversation raffinée, il ne se nourrirait que des étoiles dans les yeux des enfants qui l’écoutent, et de la douce satisfaction de participer à leur éducation. Que demander de plus à la vie, sinon d’aider ces jeunes pousses à devenir de fiers et justes Guerlusiens ? Fondamentalement, il ne déteste rien ni personne, à une notable exception : les petits pois-carottes. Ne lui parlez pas de cette abomination, où il vous dira clairement ce qu’il en pense ! ~ Phobies/peurs : Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le conteur n’a peur que d’une chose : son public. Sans doute cela explique-t-il pourquoi il a préféré embrasser les conférences en petit comité des conteurs plutôt que les grands débats du Forum – même si, par défi, il a décidé de tâter la bête pour voir ce qu’il avait dans le ventre. Il en a conclu que l’exercice était une bonne thérapie pour surmonter la peur au ventre – à petite dose ! Pouvoirs ~ Description : Contrairement aux histoires qu’il aime raconter sur l’époque héroïque où la magie régnait en maître, ni boules de feu ni incantations ne se déversent devant l’adversité, quand vient le temps de prendre les armes contre l’obscurantisme qui nie la part divine de tout un chacun. Le pouvoir d’Iacopo Alpoleio est à la fois risible et grandiose, dans un pays où l’on aime s’entendre parler : il sait écouter. Il n’écoute pas seul ce que les gens disent à voix haute, mais aussi les petits gestes, les attitudes, et enfin, le rayonnement de leur humeur. Cette empathie, fort limitée mais pas moins particulière, trouve son écho le plus insolite dans les lieux désertés : là, loin des interférences des vivants, il lui arrive de surprendre les brides spectrales d’une conversation vieille de plusieurs siècles. Il s’arrête alors et écoute ce que lui raconte le passé. ~ Limites et faiblesses : Si le conteur peut sentir l’humeur de son public, c’est bien plus une sorte de musique d’ambiance que la somme des notes individuelles. Ainsi, s’il lui permet de savoir s’il ne fait pas l’unanimité, ce pouvoir seul ne lui permet pas d’identifier l’origine de ce désaccord – qui se noie dans la masse, pour peu qu’il soit minoritaire. D’ailleurs, aucune pensée intelligible ne lui parvient : ce baromètre peut lui pointer un malaise naissant, mais pas lui en indiquer la cause. Il doit alors tâtonner pour retourner la situation à son avantage, car il déteste l’idée qu’on puisse garder de lui un mauvais souvenir. C’est pourquoi il a longtemps évité les grands auditoires : ils sont plus difficiles à gérer, en cas de dérapage. Pour ce qui de la seconde partie de son pouvoir, il n’a eu l’occasion de l’expérimenter qu’à peu de reprises, au cours de ses voyages, puisqu’il exige un brin de solitude et un zeste de chance. En effet, la présence d’une compagnie trop nombreuse l’empêche de rester attentif aux murmures qui hantent les lieux, car les mots qui traversent le temps ne résonnent pas aussi fort que ceux des vivants. Plus ils sont vieux, plus ils doivent être chargés d’émotions pour rester audible – mais Iacopo n’a jamais aucune certitude quant à l’âge exact de ces brides. En fait, il préfère souvent taire ce don, de crainte que certains veuille faire de lui le médium qu’il n’est pas. Le Passé ~ Histoire : [Un peu de patience, il arrive sur sa petite Isabella…] Inventaire ~ Armes : Rien n’est plus évident que ce détail : Iacopo n’a absolument rien d’un guerrier… Sa quête d’indépendance ne lui a pas moins appris à chasser le petit gibier et à le cuisiner de ses propres mains, quand il n’a pas la chance de voyager avec un roublard plus expérimenté. Il dispose donc de son propre couteau de cuisine et de tout ce qu’il faut pour créer des pièges à collet. Se défendre ? Il ne lui viendrait à l’idée qu’on puisse attaquer un pauvre hère comme lui, mais le brigand a autant de chance de s’en sortir amoché que lui : bien que pacifiste de nature, sa maladresse – à laquelle il doit déjà quelques cicatrices aux doigts, souvent en épluchant ses légumes – a déjà joué des tours à nombre d’agresseurs mal informés… qu’il s’empresse dès lors de soigner, ce qui n’est pas non plus une bonne idée ! ~ Équipement : En plus de quelques vêtements amples mais seyants, dessinés pour les longs voyages tout en gardant la prestance des conteurs, le Guerlusien possède tout ce qu’il faut pour survivre dans la nature : gamelle, petite casserole, cuillère et un sac de couchage rudimentaire pour camper à la belle étoile. Il est en revanche éternellement fauché – la faute à sa manie d’offrir des cadeaux à toutes les jolies filles qu’il croise – mais il sait mendier ce dont il a besoin contre une belle histoire. ~ Bijoux : L’unique bijou qu’Iacopo a jamais accepté de porter est une petite chevalière qui appartenait à son défunt père. C’est là le seul héritage qu’il pouvait emporter sans encombre, et il l’arbore fièrement à son index droit – il craignait en effet que ses conquêtes s’effarouchent s’il le passait à l’auriculaire, doigt par excellence des alliances. ~ Autre : Aussi agréable soit la sensation de l’herbe mouillée sous ses semelles de grand matin, le beau gosse reste un humain et aime décharger ses pauvres épaules. C’est pourquoi sa petite ânesse, Isabella, ne le quitte plus depuis presque quinze ans. Vous Fréquence de Connexion : 2/7 jours (je préfère commencer pessimiste, quitte à surprendre ensuite ^^) Avez-vous lu le règlement ? Bien sûr ! Je suis même d’accord avec [presque] tout mais les admins ont toujours raison. Où avez-vous connu le forum ? Via la V1, puis la V2. D'où venez vous? Belgique, en son « invincible » unité | |
| | | Iacopo Alpoleio Conteur
Messages : 140 Age : 34 Localisation : Place de Kanbonverkà Détail/fonction : Taquin
| Sujet: Re: Iacopo Alpoleio [Conteur du Feu ; l'Histoire suivra] Mer 2 Sep 2009 - 23:32 | |
| Le Passé « Marins et marines – oh, pardon : moussons émoussés, il manque, la barbe, quelque chose au menton, mais je ne sais… Qui pourrait me dire ce qui m’échappe ? – Le poil ? – Oh, oui : le poil ! Comment pouvais-je oublier le poil ? Eh bien, poilons-nous, poilons-nous donc ! Mais à poil, surtout, pile poil : imaginons à poil danser Nadia la tavernière, jouant avec son poêle comme d’une verge, et sous vos regards… Oh ! si Kanbonverkà savait ce que font ses marins loin de ses côtes ! » Des rires gras donnaient vie au rafiot dans la nuit noire, sous le regard bienveillant d’un capitaine soudain rajeuni. Il se félicitait déjà de la riche idée d’emporter cet amuseur dans leur calle ! « Ainsi donc, se lança-t-il, c’est dans ce lupanar que disparaissent mes hommes quand nous mouillons Aegnor ? J’en apprends tous les jours ! – Vous connaissez donc le noble métier de cette charmante Nadia ! Elle est renversante, n’est-ce pas ? » La riche idée se transforma en plomb à mesure que fusèrent les rires gras et les moqueries. Le capitaine comprit dés lors qu’il était urgent de créer une diversion. « Je suis un homme, tout comme vous, mais nous ne connaissons de vous que votre langue fourbe. Vous m’avez promis des histoires en échange de l’hospitalité de notre coque, je réclame donc paiement sur l’heure ! Commencez par raconter votre histoire, pour que vous ne nous soyez plus inconnu. » Un blanc meubla la conversation. « Mon histoire ? s’étonnait le conteur. Eh bien, certes, je peux vous la livrer, mais je crains qu’elle ne soit pas aussi intéressante que mon registre habituel… Ne préféreriez-vous pas le combat héroïque de Pilgrim de Fromwode, qui sauva Träne de l’ire du plus grand des dragons marins ? Non, vraiment ? Alors, soit : que Iacopo Alpoleio narre sa vie, et que les mentons émoussés se poilent d’envie ! » Le regard que lui lança le capitaine lui fit comprendre qu’un poil de plus lui vaudrait une visite chez les tritons. Aussi n’insista-t-il pas et débuta-t-il son récit d’une voix suave : « Je suis né au cœur des terres arables, où la terre est d’ocre et ses fruits, de rubis. Vous devez croire que j’exagère, moi le poète, le beau parleur, le détourneur ! Ce serait méconnaître la richesse de ces gens : les enfants de ces contrées apprennent à marchander les produits de leurs parents avant de savoir compter ! Votre bon capitaine a du en faire la triste expérience, à en juger par l’exiguïté de ses calles désormais. « Je n’ai pas échappé à la règle, pas plus que mes frères et mes sœurs, qui comptaient au nombre de douze. Neuvième d’une abondante fratrie, petite armée au service de l’entreprise familiale – modeste élevage de mouton, dont la laine se transformait en or sous les doigts des femmes de la famille –, je n’ai manqué de rien, et d’amour encore moins. Mon père et ma mère entretenaient tendrement l’avenir des Alpoleii, sans jamais un mot plus haut que l’autre, tandis que les aînés, incapables de s’éloigner d’un foyer si chaleureux, ramenaient leur âme-sœur au pied de notre colline pour former le hameau qui porte notre nom. Je crois être le premier et le dernier à m’être aventuré aussi loin du cocon adoré. « Mais je m’avance trop loin, alors allons à contre-courant pour remonter aux sources de ma bougeotte, du temps où je n’étais qu’un enfant timide qui écoutait les vieux par jour de marché… Ramez, ramez : ramez ferme car nous sommes encore loin ! Hissez la grande voile et fouettez les vents, si vous voulez accoster avant l’aube ! La terre est en vue, et pas n’importe quelle terre : sentez donc ce parfum champêtre, relent d’un océan de blé d’où se dresse un village anonyme du Rhydderch. Encordez bien le navire, car nous y resterons un instant, mais tenez-vous prêt à larguer les amarres à mon signal – sans offense, Capitaine, sans offense… « Nous descendions là une fois par semaine, pour vendre les étoffes qu’avaient filé notre mère et nos sœurs. Tandis que les aînés arrachaient les plus hauts prix aux négociants de la région – et Azylis seule sait jusqu’où savent monter les enchères de ses enfants ! –, ils confiaient les benjamins à quelques anciens pour qu’ils leur enseignent un peu de leur sagesse, qui consiste à répéter inlassablement combien le monde tournait mieux à leur époque. En revanche, je n’ai pas tardé à découvrir que, quand on sait distiller avec malice les rares remarques qu’ils vous laissent placer, les vieilles personnes sont des réservoirs infinis à anecdotes amusantes. Certaines étaient si surprenantes que je ne pouvais m’empêcher de les raconter : raconter en marchant, raconter en mangeant, raconter en travaillant. Comme ils m’écoutaient, je pensais sincèrement que je racontais bien – en réalité, c’était la première fois qu’ils entendaient le son de ma voix. « Ma voix leur plut, et ils me laissaient raconter au lieu de marcher, manger ou travailler. Avec mes mots d’enfant, je redonnais le sourire aux grands, et ils reconnurent là la marque de Calliope notre Muse, celle de l’élite du continent. À tort ou à raison ? Je ne sais, car seul un public peut répondre à ces questions. Ils me gardèrent le plus longtemps possible pour profiter du rayonnement de mes histoires, puis, à l’orée de l’adolescence, tremblant qu’une mue mal gérée gâche un si beau potentiel, ils me fourrèrent dans une carriole en route pour Aegnor et son Forum. « Coupez maintenant le cordon qui nous retenait au port, et permettez-moi, chemin faisant, de dévirer vers quelques élucubrations du choc des civilisations. Je sais de la bouche de certains de vos compatriotes que vos écoles sont dans les livres, qui vous apprennent tout ce qu’il faut pour être fier Kanbonverkiens. C’est là l’héritage que vous a laissé Mnémosyne, mais il en est de tout autre pour Calliope : la flamme de la connaissance, pour elle, réside dans la parole volatile, qui s’embrase au gré du vent pour brûler la jungle de l’ignorance. De fait, l’enfant du Feu apprend les gestes nécessaires sous les instructions de ses parents, la profondeur de ses racines sous la férule de ses grands-parents et la grandeur de sa culture auprès des conteurs itinérants. Nos chroniqueurs sont les marchands qui crient à qui veut l’entendre ce qu’ils ont entendu trois bourgades plus loin, tandis que les plus beaux discours des plus grands orateurs du moment nous parviennent par bouche-à-oreille. Tout, chez nous, n’est qu’adoration de la parole et ses tournures, dont la crème des crèmes se polit sur les marches du Forum. « Comprenez donc la fierté des miens de pouvoir envoyer un de leurs mômes dans l’arène – comprenez leur déception s’ils savaient à quoi j’ai dépensé le pécule qu’ils m’avaient confié pour les études… Arrivé trop tôt ou trop tard, à cette période charnière où les sens sont en éveil, j’ai découvert la ville et j’ai découvert ses vices. Dans quels pétrins je me suis fourré, vous n’oseriez y penser ! » Des rires gras fusèrent alors qu’il mimait la danse cocasse qu’il avait attribuée à Nadia la tavernière. « Fort heureusement pour ma tête à claque, j’étais déjà plein de ressources : j’ai ainsi découvert qu’un sourire bien placé et un regard piteux réveillait en plus d’une femme un instinct maternel insoupçonné. J’ai donc pu parfaire mon éducation sans plus me faire de soucis, consacrant une à deux heures par jour à observer les techniques de vieux sages de la discipline, passant le reste du temps à mettre ces observations en pratique auprès de la gente féminine, dans l’espoir d’obtenir un repas chaud et un lit douillet avant la tombée du jour. Peu de jeunes gens peuvent ainsi se vanter d’allier université et travail à temps plein ! « Ce petit manège, par ailleurs, eut des effets que j’étais loin de soupçonner : à force de quémander aux plus nanties, j’étais devenu un animal de salon qu’elles s’arrachaient discrètement. C’est ainsi que l’une d’elle, de fil en aiguille, m’obtint un parrainage qui m’ouvrait l’estrade principale. J’étais jeune, alors, et une telle opportunité ne se refusait pas ! Dommage, d’ailleurs, car j’étais justement bien trop jeune. « Le jour dit fut un désastre, comme vous pouvez l’imaginer, mais il m’apprit au moins une chose : je n’étais de la trempe des grands auditoires. Assailli par la rancœur et la colère envers ma médiocre personne, je me suis éloigné du beau monde sans oser affronter la honte des miens. J’ai alors trouvé refuge auprès d’une brave ânière avec qui j’avais déjà sympathisé lors d’une foire aux bestiaux. J’y ai réappris les vertus de la simplicité et pansé mes blessures d’égo. Hélas, je m’y encroûtai un peu trop longtemps, car la tendre éleveuse s’imagina que je voulais y demeurer pour la vie ! Je l’ai dédite sur l’heure et, pour mettre fin à cette embarrassante méprise, j’ai rassemblé mes maigres bagages pour fuir le mariage. Elle me rattrapa bien vite, à la suite d’une jeune ânesse que je l’avais aidé à débourrer, et eût pour moi cet étrange discours : « “Isabelle (C’était le nom de la merveille.) est bien trop fragile et sensible pour le rude labeur des champs, comme nous avons pu le constater ensemble. J’aurais si peur, en la vendant, de la livrer à un fermier qui ne saurait apprécier sa générosité… Toi qui ne peux supporter la sédentarité, prends soin d’elle et elle te le revaudra. Peu de femmes, comme elle, accepteraient de suivre aveuglément l’homme qu’elles aiment dans leur errance infinie.” Comme résister à une si tendre requête ? Alors, je le confesse sans rougir : j’ai introduit clandestinement une femelle sur ce rafiot ! Isabelle, ma belle, ne dis-tu pas bonjour à tous ces gens ? » Un brouhaha de sifflement et d’applaudissements interrompit le récit. Isabelle, pour sa part, ne répondit que d’un braiement malade à l’enthousiasme qu’elle soulevait. « Mes épaules soulagées du nécessaire de survie, j’ai décidé de retourner aux sources de la profession : je suis allé de villages en villages, dans les campagnes les plus reculées, pour narrer aux gens isolés ce que je sais, pour écouter ce que le monde a oublié. De fil en aiguille, je suis devenu conteur et maître d’école itinérant, me contentant des fruits que m’offrent la route et de ce que les fermes où je m’arrête m’accordent en paiement de leur éducation. J’avais enfin compris le sens de ma vocation. « Je rendais parfois visite à la tribu des Alpoleii, prendre nouvelle de mon père et ma mère, de mes frères et mes sœurs, de mes neveux et mes nièces, et toujours la même rengaine revenait : “Iacopo, Iacopo, toi qui as voyagé si bien et si loin, quand nous ramèneras-tu une femme exotique pour porter nos petits-fils et nos petites-filles, nos neveux et nos nièces, nos cousins et nos cousines ? – Jamais, je le crains, répondais-je systématiquement, car quelle femme supporterait la vie d’une épouse de conteur ? Je ne l’imposerais à personne et nulle Héliade ne pourra me faire renoncer à la liberté des grands chemins. – Tu es jeune, Iacopo, s’obstinaient-ils alors, mais un jour, nous le savons, tu trouveras la femme idéale, celle qui portera nos petits-fils et nos petites-filles, nos neveux et nos nièces, nos cousins et nos cousines.” « Pourtant le temps passa, pourtant jamais je ne croisai le chemin de cette femme – pas faute, pourtant, d’avoir rencontré des filles ! De toute sorte, de toute bourse, de toute origine : mariées, vierges ou veuves, j’ai fréquenté leurs jours et leurs nuits, mais toujours j’ai su leur dire “au revoir,” toujours j’ai su les prévenir de mon départ. “Je suis un volage !” les prévenais-je d’emblée, mais cela leur seyait, comme cela sied aux femmes que les marins honorent dans chaque port. « Hélas, les êtres qui nous sont chers ne sont pas éternels, et un jour, en revenant sur mes terres, j’ai appris que la maladie avait emporté ma mère – que de chagrin avait suivi mon père. Mes frères et mes sœurs, mes neveux et mes nièces me chargèrent d’accomplir, moi l’enfant du voyage, la dernière volonté des fondateurs du clan Alpoleio : porter leurs cendres aux laves du volcan d’Aegnor, comme l’exemple de leur vie sage et rangée apaise sa colère. J’ai accompli ce sacerdoce la mort dans l’âme et, chemin faisant, j’ai réfléchi à ce que j’avais fait de ma vie et ce qu’il resterait quand mon temps serait dépassé. Rien, pour ce que j’en sais, et je suis directement descendu des flancs qui sentent le soufre à la cohue du Forum. « Là, comme une vengeance à ma première expérience, je suis monté sur l’estrade et j’ai expliqué aux grands orateurs et au public ce qui faisait la grandeur des conteurs, et la spécificité de notre mode de vie. Je dû paraître convaincant, car je récoltai quelques applaudissements. Un jeune homme, cependant, qui possédait déjà un sens aigu de la critique, est venu me trouver après la prestation pour me poser quelques questions sur les bases de ma thèse. En effet, j’affirmais que les conteurs, en rapportant les histoires lointaines en échange d’histoires locales, contribuaient à garder l’Histoire des trois royaumes en vie et à maintenir la base d’une culture commune du Feu. Or, je me contredisais un peu plus loin en admettant qu’il fallait une certaine souplesse pour s’adapter à son public, qui pouvait mieux réagir à une certaine version qu’à une autre. Comment expliquer ce paradoxe ? « “Il s’explique à ce que, lui ai-je répondu, personne ne connait plus la version originale des faits évoqués. Les histoires ont été tellement enjolivées qu’il ne coûte plus rien d’en changer quelques détails. Alors pourquoi s’en priver, si cela permet aux auditeurs de mieux l’approuver ? – Ne l’approuveraient-ils pas mieux, avança-t-il, si vous pouviez affirmer détenir la vérité ? – Ce serait mentir !” m’en défendis-je, mais le bougre insistait : “Vous mentez déjà en colportant une Histoire qui ne repose plus que sur la rumeur populaire. Recherchez les sources de ce que vous affirmez, et vous vous approcherez de la vérité. – Je le voudrais bien, affirmais-je en toute sincérité, mais que faire quand les sources sont mortes et que ne plane que le souvenir de ses héritiers ? – La paresse seule peut vous inspirer ces mots ! mais aussi, j’en ai peur, les fondations de notre culture de rumeurs. Je crois pourtant voir, derrière vos airs nonchalants, une lueur d’espoir, aussi laissez-moi vous révéler le début d’une piste : il existe en Mynorie, où j’ai passé une partie de mon enfance, une immense bibliothèque où se trouvent tous les livres. Peut-être, au détour de l’un d’entre eux, trouverez-vous la parole authentique d’un témoin occis…” | |
| | | Iacopo Alpoleio Conteur
Messages : 140 Age : 34 Localisation : Place de Kanbonverkà Détail/fonction : Taquin
| Sujet: Re: Iacopo Alpoleio [Conteur du Feu ; l'Histoire suivra] Mer 2 Sep 2009 - 23:36 | |
| Le Passé
(le retour !) « Je réfléchissais à ces belles paroles sur les marches du port quand j’ai croisé votre capitaine, qui admirait son navire. Après quelques compliments d’usage, nous avons sympathisé et, dans une de ces envolées lidralyennes dont il a le secret, il me tint à peu près ce langage : “Nous sommes de fiers kanbonverkiens tombés en amour pour la cité, comme en témoigne notre rafiot éponyme, mais nous aimons à faire commerce avec les autres continents. – C’est un nom magnifique, lui accordai-je. – Il l’est ! souligna-t-il, comblé. – Y retournez-vous régulièrement ? Car, voyez-vous, je cherche à m’y rendre. – Oh, vraiment ? Oui, nous y retournons derechef. Vous êtes conteur, m’avez-vous dit ? Les soirées en mer sont bien mornes par temps calme, et mes hommes s’ennuient. À raison d’animation tous les soirs, je vous embarque volontiers !” « Et c’est ainsi que je me suis retrouvé parmi vous, en route pour la grande bibliothèque de Mynorie ! » Le silence se fit, et il n’avait plus rien de drôle. Un sentiment de gêne planait sur l’équipage. « Seigneur, je crains qu’il y ait erreur, expliqua le capitaine. Notre Cité n’est point Mynorie. – Ah ? Oui, c’est juste, mais n’ayez crainte : je saurai accomplir à pied le trajet à partir de Wilwarin. – Je ne crois pas que cela soit possible, Seigneur. – Et pourquoi donc ? s’étonna le voyageur. – Parce que vous semblez avoir mal lu le nom sur notre coque. Le bâtiment où vous vous trouvez s’appelle la Cité, tout simplement, du nom de cette énigme surgie des eaux. » Iacopo Alpoleio mit un moment à digérer l’information. Lui qui était persuadé de faire route vers le Continent de la Terre, en voilà une surprise ! « Alors, s’extirpa-t-il, faussement triomphant, il va me falloir changer mes plans : je raconterai au monde l’héroïsme de mes contemporains plutôt que des anciens ! » Les marins, croyant à une pitrerie de plus, saluèrent la déclaration avec force de boisson. L’honneur était sauf, et sa faille aussi : homme de parole et non de lettres, les origines de l’univers avaient moins de secrets pour Iacopo que la signification des runes… | |
| | | Aeras Âme Primordiale
Messages : 293 Age : 31
| Sujet: Re: Iacopo Alpoleio [Conteur du Feu ; l'Histoire suivra] Mer 9 Sep 2009 - 1:04 | |
| Bonjour Mister Iacopo, j'espère que t'avais fini (ça avait l'air plutôt fini) parce que je déclare ta présentation acceptée!! | |
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| Sujet: Re: Iacopo Alpoleio [Conteur du Feu ; l'Histoire suivra] | |
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| | | | Iacopo Alpoleio [Conteur du Feu ; l'Histoire suivra] | |
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